Qui est cet inconnu capable d’en remontrer au grand Czentovic, le champion mondial des échecs, véritable prodige aussi fruste qu’antipathique ? Peut-on croire, comme il l’affirme, qu’il n’a pas joué depuis plus de vingt ans ? Voilà un mystère que les passagers oisifs de ce paquebot de luxe aimeraient bien percer.
Le narrateur y parviendra. Les circonstances dans lesquelles l’inconnu a acquis cette science sont terribles. Elles nous reportent aux expérimentations nazies sur les effets de l’isolement absolu, lorsque, aux frontières de la folie, entre deux interrogatoires, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges.
Une fable inquiétante, fantastique, qui, comme le dit le personnage avec une ironie douloureuse, « pourrait servir d’illustration à la charmante époque où nous vivons ».
Auteur : Stefan Zweig
Nombre de pages : 128
Année de parution : 1943
Éditeur : Point (2023)
« Les gens qui sont possédés par une seule idée m’ont toujours intrigué, car plus un esprit se limite, plus il touche par ailleurs à l’infini. » (page 20)
« Sitôt qu’il flaire un homme instruit, il rentre dans sa coquille ; ainsi personne ne peut se vanter de l’avoir entendu dire une sottise ou d’avoir mesuré l’étendue de son ignorance. » (page 20)
« […] M. MacConnor était de cette espèce d’hommes qui ont réussi et sont si pleins d’eux-mêmes qu’ils considèrent comme une humiliation personnelle de perdre, fût-ce une inoffensive partie d’échecs. » (page 24)
« – Pourquoi pas ? C’est son métier. Si j’avais mal aux dents et qu’il se trouvât un dentiste à bord, je ne lui demanderais pas de m’arracher une dent gratuitement. Czentovic a bien raison : les gens vraiment capables ont toujours su faire leurs affaires. » (page 28)
« Mais, si dépourvues de matière qu’elles paraissent, les pensées aussi ont besoin d’un point d’appui, faute de quoi elles se mettent à tourner sur elles-mêmes dans une ronde folle. Elles ne supportent pas le néant, elles non plus. On attends quelque chose du matin au soir, mais il n’arrive rien. On attend, on attend, on attend, les pensées tournent, tournent dans votre tête, jusqu’à ce que les tempes vous fassent mal. Il n’arrive toujours rien. On reste seul. Seul. Seul. » (page 46)
« Un livre où je pourrais suivre d’autres pensées, des pensées neuves qui me détourneraient de la mienne, et que je pourrais garder dans ma tête, quelle trouvaille enivrante et calmante à la fois ! » (page 53)
« J’étais comme un musicien exercé qui n’a qu’un coup d’œil à jeter sur une partition pour entendre aussitôt les thèmes et les harmonies qu’elle contient. » (page 58)
« Il semble d’ailleurs qu’il y ait dans notre cerveau de mystérieuses forces régulatrices qui écartent spontanément ce qui pourrait nuire a l’âme, car chaque fois que j’essayais de penser à mon temps de captivité, la mémoire me faisait défaut. » (page 70)
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